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Photo du rédacteurAnnique Lavergne

LES PERSONNES ÂGÉES ET LE DEUIL DES ANIMAUX DE COMPAGNIE


L'évolution de la technologie du XXe siècle, les changements dans la mobilité sociale et physique de notre société ainsi que l'accroissement de la pensée individualiste ont tous contribué à la rupture des liens traditionnels qui, par le passé, ont lié les individus à la famille et à la communauté. En ce qui concerne la population vieillissante de notre société, ces changements ont fait en sorte que l'accomplissement du désir humain d'être impliqué dans la communauté (aider les autres), de s'engager (interaction avec les concitoyens) et de compter l'un sur l'autre (partage de responsabilités) sont devenus sévèrement limités. Étant donné ce contexte, il n'est pas rare chez les individus de combler ces désirs par le biais de la présence des animaux de compagnie. Les personnes âgées deviennent rapidement conscientes des bénéfices qu'apporte la présence des animaux de compagnie dans leur vie; ces derniers s'avèrent souvent être le seul compagnon qui leur soit disponible surtout chez les personnes âgées qui habitent seules.


La contribution des animaux chez les personnes âgées


Des témoignages sont rapportés à l'effet que certaines personnes âgées ont retrouvé le goût de vivre suite à une période dépressive grâce à l'attachement et la fidélité de leur animal de compagnie. Plusieurs avouent que leur animal se trouve à être une des seules raisons qui les incitent à se lever le matin. En fait, une grande partie de la journée de ces individus est consacrée aux soins de l'animal (ex : alimenter l'animal, l'exercer, voir à sa toilette, jouer avec lui). De plus, la présence d'un animal de compagnie pour la personne âgée peut lui procurer un sentiment de sécurité. Par exemple, l'aboiement de l'animal peut décourager les cambrioleurs et avertir lorsqu'une personne se présente à la porte, ou même il peut s'agiter et prévenir son maître dans le cas d'un incendie ou d'une catastrophe quelconque. être le maître d'un animal de compagnie peut également occasionner des interactions sociales avec d'autres individus. Lors des promenades par exemple, plusieurs inconnus de tous âges peuvent commenter sur la race de l'animal, sa personnalité et son comportement. Enfin, étant donné que les personnes âgées habitant seules sont souvent isolées de l'interaction humaine, les animaux de compagnie fournissent une source de stimulation tactile, affectueuse et chaleureuse.


Les conséquences de la perte


Lorsque l'animal de compagnie décède, les routines et les simples plaisirs de la vie quotidienne sont sérieusement diminués et ce, particulièrement chez les personnes âgées. Ces dernières se retrouvent soudainement seules, sans compagnie et sans la présence d'un être cher à qui ils pouvaient prodiguer des soins et de l'affection.


Parfois, l'animal de compagnie représentait un lien symbolique avec le passé de la personne âgée. La responsabilité des soins de l'animal était souvent partagée avec un conjoint qui est maintenant décédé. Ainsi, la perte de l'animal peut ramener à la surface les souvenirs du conjoint décédé, provoquant ainsi l'ouverture d'une tristesse supérieure à celle reliée à l'attachement à l'animal. Par exemple, la personne âgée peut se remémorer les moments agréables qu'elle partageait avec son conjoint et l'animal en pensant combien ce dernier était heureux d'accueillir son maître à la porte le soir lorsqu'il rentrait.


Les animaux de compagnie peuvent aussi jouer un rôle en tant que substitut d'enfant lorsque les enfants des personnes âgées ont grandi et quitté le domicile familial. Ainsi, les personnes âgées peuvent raconter une multitude d'histoires reliées aux souvenirs de leurs enfants e/ou leur conjoint. Certains peuvent trouver éprouvant d'écouter les histoires parfois répétitives des personnes âgées, contrairement à l'animal qui lui, ne cesse jamais d'écouter. La perte de ces derniers a donc la conséquence d'accroître la solitude des personnes âgées et leur enlève ainsi ce qui est souvent leur seul fidèle compagnon.


Les centres d'hébergement et/ou maisons de retraite


Lorsque les personnes âgées doivent quitter leur foyer et déménager dans un centre d'hébergement et/ou maison de retraite, il est possible que les animaux de compagnie y soient interdits. Parfois après entente, les personnes âgées peuvent aménager avec leur animal de compagnie, mais une fois que ce dernier décède, il sera interdit de le remplacer. Dans ce cas, non seulement la personne âgée doit faire le deuil de l'animal dont elle doit se séparer, mais en plus, elle doit faire le deuil de ne plus jamais être un maître d'un animal de compagnie à l'avenir. Dans un tel cas, il est essentiel de bien porter attention au deuil de ces individus car ils peuvent vivre le sentiment d'être inadéquats et subir une perte d'estime de soi. Ces derniers trouvent parfois difficile le fait de devoir faire confiance aux nouveaux maîtres qu'aura leur ancien animal de compagnie. Ils craignent souvent que leur animal ne partage pas de lien affectif avec les nouveaux maîtres rendant ainsi l'animal malheureux. Beaucoup de culpabilité peut aussi envahir les personnes âgées qui doivent choisir entre un nouveau logement et la présence de leur animal de compagnie, ce qui peut énormément compliquer le processus de deuil.


Les changements du style de vie amenés par la perte des animaux


La perte d'un animal de compagnie implique souvent un changement drastique dans la vie des personnes âgées. Par exemple, il se peut que l'animal contribue à l'indépendance de la personne âgée en prenant intuitivement le rôle d'un chien d'assistance, en devenant les oreilles et les yeux de son maître au fur et à mesure que les capacités de ce dernier diminuent avec le temps. Les animaux peuvent aussi chercher et ramener des objets pour leurs maîtres; aider dans la montée des escaliers et ralentir avant de traverser la rue. En somme, plusieurs maîtres âgés ne sont même pas conscients jusqu'à quel point leur animal les assiste quotidiennement. Ceci étant dit, lorsque l'animal décède, décède aussi un certain niveau d'indépendance du maître âgé. Conséquemment, il se peut que le maître décide de ne plus participer aux mêmes activités qu'auparavant. Craignant son incapacité à faire les mêmes activités (promenades, voyages, etc.) sans son fidèle compagnon.


Comment aider ces maîtres endeuillés


La plupart des personnes âgées ayant des animaux ont vécu plusieurs expériences de perte et de deuil au cours de leur vie. Il se peut cependant que le deuil ressenti ne fut pas forcément validé par la société de l'époque qui axait beaucoup moins sur le lien humain-animal qu'aujourd'hui. Il se peut aussi qu'au cours de leur enfance, elles aient été témoin de l'euthanasie des animaux sans que ce soit nécessairement une expérience positive. Par le passé, il n'était pas rare d'assister à de morts violentes (noyades, fusillades) ou de morts lentes et douloureuses des animaux. Heureusement, au fil des années le processus d'euthanasie a beaucoup évolué (étant aujourd'hui une simple injection) et conséquemment, ce geste est beaucoup plus humanitaire qu'auparavant. Ce sont évidemment des informations qui peuvent être offertes aux personnes âgées afin de les rassurer que leur animal ne souffrira pas.


Le décès d'un animal de compagnie peut aussi s'avérer une opportunité pour les personnes âgées de discuter de leurs craintes quant à leur propre mortalité. De plus, le fait de soigner à long terme un animal de compagnie peut également inciter les personnes âgées à songer aux soins que devra éventuellement leur offrir leur propre famille. C'est ainsi que la mort des animaux de compagnie des personnes âgées peut accroître leurs problèmes émotifs et physiques, inquiétudes, anxiété et questionnement quant à leur propre mort.

En ce qui concerne les personnes âgées (surtout celles qui ont déjà une pauvre estime de soi compromise par un système de soutien décroissant et des problèmes de santé), il est essentiel de leur démontrer de la compassion et du respect quant à leur vulnérabilité face à l'éventuelle perte et/ou le décès de leur animal de compagnie.

Dre Annique Lavergne Psychologue


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